logo Imprimer

Patrimoine

Donations successions

Les limites au droit de disposer par donation ou succession au profit de certaines professions

Pour qu’une libéralité soit valable, le donateur comme le testateur doivent être capables de disposer et le donataire comme le légataire, capables de recevoir (c. cv. art. 901). Des incapacités de recevoir, qui reposent sur une présomption irréfragable de captation, frappent certaines professions et rendent nulle la libéralité faite en leur faveur (c. civ. art. 909 et 911).

Médecins et personnes assimilées ayant prodigué des soins au disposant

Selon l’article 909, alinéa 1 du code civil : « Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faite en leur faveur pendant le cours de celle-ci ».

Il appartient donc aux juges du fond de rechercher si la désignation de ces personnes a été faite au cours de la maladie dont le disposant est décédé.

Mais lorsque le testament a été rédigé avant que la maladie ait été diagnostiquée, l’incapacité de recevoir joue-t’elle ? Oui, car l’incapacité est conditionnée à l’existence, au jour de la rédaction du testament, de la maladie dont est décédé le disposant, peu important la date de son diagnostic (cass. civ., 1re ch., 16 septembre 2020, n° 19-15818).

Exiger que le testament soit rédigé après que la maladie ait été diagnostiquée pour annuler la libéralité ajouterait une condition à la loi.

Mandataires judiciaires et personnes assimilées représentant le disposant

Selon l’article 909, alinéa 2 du code civil : « Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité ».

Ce principe est d’interprétation stricte. Aussi, lorsque les membres de la famille du défunt exercent les fonctions de tuteur, curateur, mandataire spécial désigné lors d’une mesure de sauvegarde de justice, personne habilitée ou mandataire exécutant un mandat de protection future, l’incapacité de recevoir ne s’applique pas (cass. civ., 1re ch., 17 octobre 2018, n°16-24331).

Aidants familiaux : question prioritaire de constitutionnalité renvoyée au Conseil constitutionnel

La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (loi 2015-1776 du 28 décembre 2015, modifiée par l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ratifiée par l'article 1er de la loi 2018-287 du 20 avril 2018) a institué l’article L. 116-4 du code de l’action et des familles qui dispose en son I :

« Les personnes physiques propriétaires, gestionnaires, administrateurs ou employés d'un établissement ou service soumis à autorisation ou à déclaration en application du présent code ou d'un service soumis à agrément ou à déclaration mentionné au 2° de l'article L. 7231-1 du code du travail, ainsi que les bénévoles ou les volontaires qui agissent en leur sein ou y exercent une responsabilité, ne peuvent profiter de dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par les personnes prises en charge par l'établissement ou le service pendant la durée de cette prise en charge, sous réserve des exceptions prévues aux 1° et 2° de l'article 909 du code civil. L'article 911 du même code est applicable aux libéralités en cause.

L'interdiction prévue au premier alinéa du présent article est applicable au couple ou à l'accueillant familial soumis à un agrément en application de l'article L. 441-1 du présent code et à son conjoint, à la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ou à son concubin, à ses ascendants ou descendants en ligne directe, ainsi qu'aux salariés mentionnés à l'article L. 7221-1 du code du travail accomplissant des services à la personne définis au 2° de l'article L. 7231-1 du même code, s'agissant des dispositions à titre gratuit entre vifs ou testamentaires faites en leur faveur par les personnes qu'ils accueillent ou accompagnent pendant la durée de cet accueil ou de cet accompagnement. »

Concernant les salariés employés par des particuliers à leur domicile privé qui accomplissent des services à la personne, sont visés ceux qui accomplissent les activités suivantes (c. trav. art. L. 7221-1 et L. 7231-1) :

-la garde d'enfants ;

- l’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d'une aide personnelle à leur domicile ou d'une aide à la mobilité dans l'environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile ;

-les services aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales.

Estimant que l’article L. 116-4 du code de l’action sociale et des familles porterait atteinte notamment au droit de propriété et à la liberté contractuelle garantis par la Constitution, un contribuable a posé une question prioritaire de constitutionnalité.

En l’espèce, suite au décès de la testatrice ayant institué, en l’absence d’héritiers réservataires, ses cousins pour légataires universels, ces derniers avaient invoqué la nullité du legs particulier portant sur l’appartement dépendant de la succession au profit de l’employée de maison de la testatrice frappée d’une incapacité de recevoir.

La Cour de cassation a jugé que la question présentait un caractère sérieux, la disposition attaquée ayant pour conséquence de réduire le droit de disposer librement de ses biens, hors de tout constat d’inaptitude du disposant, et l’a renvoyée au Conseil constitutionnel (cass. civ., 1re ch., 18 décembre 2020, n°20-40060).

Affaire à suivre…

Pour aller plus loin :

« Donations Successions », RF 2020-6, §§ 213 et 1354

cass. civ., 1re ch., 18 décembre 2020, n°20-40060

Retourner à la liste des dépêches Imprimer

Date: 27/12/2024

Url: http://assurance-oise.com/breves/46799.html?date=2021-02-01&format=print&start=0