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Responsabilité professionnelle
Le notaire chargé d'une succession doit impérativement rechercher les éventuelles assurances-vie
Au risque d’engager sa responsabilité, le notaire chargé d’une succession doit rechercher activement l’existence d’éventuels contrats d’assurance-vie. Dans cette recherche, il ne sera pas forcément aidé par l’assureur. Telle est la leçon à tirer d’une affaire récemment soumise à la Cour de cassation.
Racontons tout d’abord l’histoire
Des héritiers sont informés de l’existence de contrats d’assurance-vie par l’assureur. - Au décès de leur tante, trois neveux bénéficient de plusieurs contrats d’assurance-vie. La compagnie d’assurance leur écrit pour les en informer, leur joignant le certificat à adresser à l'administration fiscale afin qu’ils s'acquittent des droits de succession dus sur les versements effectués par leur tante à partir de ses 70 ans.
Un des trois neveux, qui est sous curatelle, n’ouvre jamais ses courriers et ne prend donc pas connaissance de celui de l’assureur.
Un notaire est chargé de la succession. - Le notaire chargé de la succession s’adresse à la banque de la défunte pour lui demander la liste des éventuels contrats d’assurance-vie.
La banque lui répond qu’il doit pour cela se rapprocher de sa filiale spécialisée en assurance. Cette filiale est précisément la compagnie qui a déjà écrit aux trois héritiers. Spontanément, c’est-à-dire sans demande du notaire, la filiale adresse au notaire un courrier l’informant de l’existence de quatre contrats de capitalisation. En revanche, elle n’informe pas le notaire (qui, notons-le, ne le lui a pas demandé) de l’existence des contrats d’assurance-vie.
Le fisc redresse un des héritiers. - Deux ans plus tard, le neveu en curatelle fait l’objet d’un redressement fiscal de 482 000 €, dont 43 800 € d’intérêts de retard. Ce redressement correspond aux droits de succession portant sur les sommes versées par la défunte après ses 70 ans sur les assurances-vie dont il est le bénéficiaire.
Le notaire et l’assureur sont poursuivis en justice
L’action contre le notaire. - Le neveu et son curateur décident d’assigner le notaire, ainsi que la SCP dans laquelle celui-ci exerce, pour demander leur condamnation solidaire à prendre en charge les intérêts de retard (soit 43 800 €). Ils soulignent que si le notaire s’était correctement renseigné sur l’existence des contrats d’assurance-vie, le paiement des 43 800 € aurait été évité.
L’action contre l’assureur. - Le notaire et la SCP se retournent contre l'assureur pour qu’il soit tenu de prendre à sa charge les éventuelles condamnations qui seront prononcées à leur encontre. Le notaire considère en effet que l'assureur aurait dû l’informer de l’existence des contrats d’assurance-vie lorsqu’il lui a fait part des contrats de capitalisation.
Notaire et assureur sont tous deux condamnés. - Les juges saisis condamnent le notaire (et solidairement la SCP dans laquelle il exerce) à verser au neveu les 43 800 € demandés par le fisc au titre des intérêts de retard. Ils estiment en effet que le notaire aurait dû interroger formellement la compagnie d’assurance.
Les juges considèrent par ailleurs que la compagnie d’assurance aurait dû informer le notaire de l’existence des contrats d’assurance-vie lorsqu’elle lui a indiqué l'existence des contrats de capitalisation.
En conséquence, les juges condamnent la compagnie à prendre en charge la condamnation du notaire à hauteur de 50 %.
Somme toute, le notaire et la SCP vont devoir prendre en charge 21 900 €, et la compagnie d’assurance autant.
La Cour de cassation annule la condamnation de l’assureur
Saisie à son tour de cette affaire, la Cour de cassation rappelle les obligations qui s’imposent à un assureur lorsqu’il est informé du décès de l'assuré.
D’une part, l'assureur doit rechercher le bénéficiaire du contrat d'assurance-vie et, si cette recherche aboutit, l'aviser du contrat souscrit à son profit (c. ass. art. L. 132-8, dern. al.).
D’autre part, il doit, sur la demande du bénéficiaire, lui communiquer la date de souscription du contrat et le montant des primes versées après le 70e anniversaire de l'assuré (CGI, ann. II, art. 292 A, al. 2).
La Cour note que la compagnie a rempli ces obligations légales en écrivant aux trois neveux.
La Cour ajoute qu’aucun texte n’impose en revanche à l’assureur de faire connaître l'existence des contrats d'assurance-vie au notaire chargé de la succession, si celui-ci ne lui en fait pas la demande.
En conséquence, la Cour dégage la compagnie de toute responsabilité. Le notaire et la SCP seront seuls à devoir régler les 43 800 €.
Moralité
Chargé d’une succession, un notaire doit rechercher activement si le défunt avait souscrit des contrats d’assurance-vie. À défaut, il peut se trouver sanctionné financièrement.
L’assureur doit, quant à lui, informer les bénéficiaires de ces contrats. En revanche, il n’est pas tenu d’alerter le notaire, et cela même s’il connaît parfaitement les coordonnées du notaire chargé de la succession.
Cass. civ., 1re ch., 13 avril 2023, n° 21-20272