Fiscal,Patrimoine
Démembrement de propriété
Montant de la créance de restitution à la suite d’une donation de la nue-propriété d’une somme d’argent
La créance de restitution due par la succession sur la valeur de la nue-propriété d’une somme d’argent donnée est limitée à la somme d’argent présente à la date à laquelle cette donation a été consentie.
Comme n’importe quel autre actif, la somme d’argent objet de la donation peut être donnée en pleine propriété ou en nue-propriété.
Lorsque la donation de somme d’argent est consentie avec une réserve d’usufruit au profit du donateur, ce dernier ne pouvant pas en faire usage sans la consommer, il conserve le droit d’en disposer. On est en présence d’un quasi-usufruit légal (c. civ. art. 587). Toutefois, son droit est limité par l’obligation qu’il aura de restituer, à la fin de l’usufruit, la somme donnée, appelée « dette de restitution (CGI art. 768). Cette créance du nu-propriétaire, prélevée sur l’actif de succession, est, en principe, égale à la valeur du capital soumis au démembrement de propriété.
Dans l’affaire soumise à l’avis du comité de droit fiscal (CADF), une mère avait donné à chacun de ses deux fils et seuls héritiers la nue-propriété d’une somme totale de 3 200 000 € dont elle s’était réservé l’usufruit. La déclaration de succession souscrite après le décès de la donatrice avait mentionné au passif la dette de restitution de la défunte envers ses héritiers de 3 200 000 €.
Dans le cadre d’un contrôle sur pièces de cette déclaration, l’administration fiscale a considéré que la donation consentie était fictive, faute de dessaisissement de la donatrice et par suite, d’intention libérale, et qu’elle était destinée à réduire la base taxable au moment de la succession en raison de l’obligation de restitution pesant sur l’usufruitier d’une somme d’argent. Elle a alors mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal et a exclu la somme de 3 200 000 € du passif successoral.
Selon le CADF, la créance de restitution due par l’usufruitier au nu-propriétaire matérialisait la dépossession actuelle et irrévocable, alors même que cette dette n’était pas assortie d’une sûreté. L’absence de mention, dans l’acte de donation, de références bancaires précises permettant d’identifier le capital transmis et de clause prévoyant l’information des nus-propriétaires sur l’utilisation et le remploi des fonds n’impliquaient pas, par elles-mêmes, que la donation serait fictive.
Toutefois, la donation portant sur la nue-propriété d’une somme d’argent, celle-ci devait être présente à la date à laquelle cette donation était consentie. Elle ne pouvait donc légalement porter, même pour partie, sur la somme pouvant résulter de la cession ultérieure de valeurs mobilières détenues par la donatrice. La somme d’argent effectivement détenue par la donatrice s’élevant au jour de la donation à 2 952 150 €, le CADF en a déduit que l’acte de donation devait être considéré comme fictif à hauteur de 247 850 € (3 200 000 - 2 952 150). Par suite, le montant de la dette déductible de l’actif successoral devait être porté à 2 952 150 €.
L’administration fiscale a décidé de se ranger à l’avis émis par le CADF.
Pour aller plus loin :
« Donations - Successions », RF 2020-6, § 4127
CADF, aff 2022-15 et 2022-16 (séance du 11 mai 2023)