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Placements financiers et droits sociaux

Cession d’actions par un époux seul pendant l’indivision post-communautaire et recel

L’ex-époux qui vend seul des actions dépendant de l’indivision post-communautaire à vil prix se rend coupable d’un recel successoral.

La cession d’actions communes postérieurement à la dissolution de la communauté par un seul époux est-elle constitutive d’un recel de communauté ?

Des époux ont acquis des actions de SA au cours de la communauté de biens réduite aux acquêts ayant existé entre eux.

Une fois le divorce prononcé, Madame a intenté une action en recel de communauté à l’encontre de son ex-époux au motif que celui-ci s’était vendu à lui-même les actions à un prix inférieur à leur valeur réelle.

En appel, elle sollicitait à titre principal, la confirmation du jugement reconnaissant le recel et à titre subsidiaire, en cas d’infirmation de celui-ci, l’inopposabilité des cessions avec attribution des dividendes avec effet rétroactif au jour de la cession déclarée inopposable.

Estimant que le conjoint associé pouvait disposer seul des actions, les juges d’appel ont considéré qu’aucun élément de recel d’un bien de communauté ne pouvait être déduit de la cession sans information du coïndivisaire.

La distinction entre titres négociables et titres non négociables au cœur de la réponse

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation revient sur la qualification erronée des biens recelés. En effet, pour se prononcer sur l’existence ou non d’un recel, il convenait préalablement de savoir si les titres en question constituaient des titres négociables (actions de SA ou de SAS) ou des titres non négociables (parts de sociétés civiles ou de SARL, par exemple).

Notamment, la distinction entre le titre et la finance ne concerne que les titres non négociables. Ainsi, la qualité d’associé demeure personnelle à l’époux souscripteur, mais la valeur des droits sociaux dépend de la communauté (cass. civ., 1re ch., 4 juillet 2012, n° 11-13384). Par conséquent, en cas de séparation, l’époux associé peut céder librement les parts sociales au cours de l’indivision post-communautaire puisque le titre d’associé n’entre pas dans cette indivision (cass. civ., 1re ch., 12 juin 2014, n° 13-16309 ; cass. civ., 1re ch., 22 octobre 2014, n° 12-29265). Il en résulte qu’aucun élément de recel d’un bien de communauté ne peut être déduit de la cession sans information du coïndivisaire.

En revanche, lorsque l’époux est actionnaire d’une société dont les titres sont communs, il n’y a pas lieu de distinguer le titre et la finance dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial. Ces titres négociables, pleinement communs au cours de la communauté tombent dans l’indivision post-communautaire à sa dissolution et ne peuvent être cédés qu’avec le consentement de tous les indivisaires (c. civ. art. 815-3). De sorte que l’aliénation d’actions indivises par un époux seul est inopposable à l’autre (cass. civ., 1re ch., 23 octobre 2013, n° 12-17896 ; cass. civ., 1re ch., 7 octobre 2015, n° 14-22224).

En l’espèce, les actions de SA acquises pendant le mariage, même par un seul époux, tombant en communauté (c. civ. art. 1402), il en résulte que leur cession postérieurement à la dissolution de la communauté requérait l’accord des deux époux (c. civ. art. 815-3). Par conséquent, en procédant seul aux cessions des actions dépendant de l’indivision post-communautaire à un prix inférieur à leur valeur vénale, l’ex-époux s’était bel et bien rendu coupable d’un recel de communauté conformément à l’article 1477 du code civil, ce qui le privait de sa moitié dans les actions communes recelées. Par ailleurs, la Cour de cassation a déclaré inopposable à l’ex-épouse les cessions d’actions litigieuses. En revanche, elle a rejeté sa demande tendant à l’attribution des dividendes avec effet rétroactif au jour de la cession déclarée inopposable.

À noter. En cours de communauté, malgré la distinction du titre et de la finance, la cession de titres non négociables est soumise au principe de cogestion (c. civ. art. 1424). À l’inverse, les actions d’une SA qui constituent des titres négociables sont soumises au principe de gestion concurrente (c. civ. art. 1421). Il en résulte qu’en cours de communauté, chaque époux a le pouvoir de les céder seul.

Pour aller plus loin :

« Donations et successions », RF 2023-6, § 1801

Cass. civ., 1re ch., 26 mars 2025, n° 23-14322

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